Le village d'Ame méritait bien son nom. Tout ici n'était que pluie diluviennes et humidité décapante. Le regard au loin et l'esprit ailleurs, elle errait sur le toit d'un entrepôt abandonné. Trempée par les larmes célestes, la jeune femme n'y pris pas garde et, plongée dans les questions ésotériques de son moi profond, elle ne pris pas garde de se dissimuler particulièrement, gageant que la pluie battante constituait une couverture suffisante pour la protéger de quoi que ce soit... Mais pas suffisamment semblait -il , car sur son chemin, l'épéiste avait croisé deux chuunins chargés visiblement de prévenir toute entrée sur le territoire. Et c'est à ce moment là que la jeune femme découvrit avec effarement que le village d'Ame semblait ne contenir que nombres d'incapables à qui l'on prête des rêve de grandeur. Comme dit le proverbe, la montagne a accouché d'une souris.

Les membres d'élite du village d'Ame avaient lamentablement échoué à sentir la présence d'une femme armée d'un katana errant seule sur les hauteurs des immeubles délabrés alors que deux chuunin, eux, n'avaient eu aucun mal à la pister pendant une dizaine de minutes sans attaquer. Manque d'expérience peut être, lorsqu'ils abordèrent l'étrangère, les pauvres finirent dans un des nombreux lacs qui jonchaient l'endroit. Lacs, ruisseaux, cours d'eau en tout genres... Ce paysage bleu et glacial rappelaient les étendues de la région de Kiri, mais pourtant, deux époques séparaient les deux villages. Kiri était ancrée dans la profonde tradition, tout là bas respirait la nature, tout là bas aspirait à un équilibre restreint, certes, mais idéal.

A l'inverse, les gratte-ciel pullulaient comme des champignons au village d'Ame, se chevauchant les uns sur les autres, écrasant chaque bouffée d'air derrière un immense mur de béton. Yôko émis des doutes quand à la capacité de cet endroit à accueillir et former des ninja, et encore moins des humains, mais après tout... cela n'était pas son affaire. Elle, n'était venue jusqu'ici que pour tromper son ennui. Etant épéiste, elle quittait peu le village, et les rares occasions de s'aventurer en dehors du cocon protecteur se limitaient à des missions de meurtre ou d'escorte. Aussi, lorsqu'elle reçu sa permission de sortie, la jeune femme choisi de partir aussi loin que possible de son point de départ, juste en suivant la volonté de ses pas.

Mais le village d'Ame semblait plus constituer un retour aux sources qu'autre chose. L'épéiste ne put s'empêcher de considérer cela comme un signe du destin.

Des paroles parvinrent à ses oreilles. D'abord ininteressée par les dires de la voix pas réellement discrète, il lui paru ensuite évident que l'orateur ne partageait pas les mêmes idéaux que ceux vivant ici céans. Curieuse à l'idée qu'un autre étranger puisse pénétrer les lieux, elle se déplaça de manière à pouvoir observer le locuteur. La jeune femme se retrouva alors face à lui, le katana à la main. La pluie ruisselait sur l'ensemble de son corps, mettant en valeur sa poitrine volumineuse pourtant élegamment cachée par un col roulé sombre. Les reflets des maigres lumières du village, additionnées aux reflets argentés de la lune se reflétant sur sa chevelure blonde suivaient harmonieusement la subtile courbe de sa chute de rein, dont on pouvait deviner la forme d'arc de cercle soulignée par le jean serré qu'elle portait, l'emblème de Kiri trônant sur sa ceinture. Un regard gris froid, dévisageant l'inconnu complétait la vue de la sublime créature. Et d'une voix cristalline elle parla:

" Encore un mégalomane hein..? vous n'êtes pas d'ici, je me trompe? "

Indifférente aux dires du dénommé Takashi Sagami, se présentant sous les traits du Ryuukage d'un village inconnu, elle ne lui accorda aucun crédit et laissa ses paroles glisser comme la brise glacée sur l'onde claire. La seule chose gagnant crédit auprès d'elle étant que cet homme disait posséder des connaissances dans la voie du Bushido. Laissant le silence planer entre eux, elle le dévisagea de haut en bas, analysant chacune des expirations de son interlocuteur, chaque souffle, chaque mouvement et chaque mot. Nul doute que les paroles du Ryuukage respiraient la vérité. Chacun de ses mouvements expiait une force contenue, alliée à une grâce sans égale mais une animosité à peine cachée. Cet homme était un mélange de puissance brute et de douceur. Une mixité amusante qui ne laissa malgré tout pas Yoko de marbre, malgré ses airs inavoués.

Si l'iceberg gardait une froideur placide, l'épéiste ne put réprimer une certaine petite étincelle d'intérêt s'éveiller pour les aspirations de cet homme. Détournant le regard du samouraï, elle le lanca à l'horizon, embrassant la vue délicate qui s'offrait à elle. Le ciel de velours constellé de diamants éternels déversait un flot de larmes continu sur la décadence des ruines humaines. Déchu de son stade de Dieu, l'homme errait sur terre, brisant sous ses assauts atemporels la douceur de dame nature, la forçant alors à mener d'impitoyables rebellions pour mener sa campagne contre l'engence humaine. Et le plus beau de ses cadeaux empoisonné avait été l'égo humain. Merveilleuse machine dont chaque engrenage est fait pour conduire le sujet dans les plus vils méfaits, dans le but unique d'éliminer ceux qui ne supporteraient l'idée de leur propre réussite. Un cercle vicieux et interminable. Un jour engagé, jamais brisé.

Les minutes passaient dans un mutisme placide. La contemplation de cette scène digne d'un tableau contemporain médisant la détresse humaine. Passant la main dans ses cheveux pour chasser ces idées noires, elle répondit d'une voix lasse aux questions du Kage:

" Je viens de Kiri et je suis une épéiste. Mon nom ne vous serais d'aucune utilité, mais le voici tout de même: Yôko Date. Vous cherchez la grandeur de ce monde? Un but louable, mais pure chimère. Les grandes idées ne sont qu'ésotériques, seule l'action compte. Comme nous le disons si bien à Kiri, la fin justifie les moyens. Et si, comme vous le dites vous cherchez des hommes de main, je vous souhaite bien du courage. L'Akatsuki rôde. Et du côté des nations ninja, la limite entre la paix et la guerre s'avère plus mince qu'on ne le croit. Les moindres conflits impliquant plusieurs pays termineraient inévitablement en une guerre. Et en ces temps troublés, j'ose espérer que votre village a les moyens de se défendre..."

Le regard à l'horizon, elle continuait de laisser la pluie lui tomber sur le visage, en éspérant se laver du sang qu'elle avait déjà maintes fois versé au nom de son clan, pas même au sien...